1854 – 2014 Cent soixante ans de Présence Indienne

      Le 24 décembre 1854, le bateau l’Aurélie, débarquait les 344  premiers Indiens à la Darse de Pointe à Pitre, en Guadeloupe.

 

                      Cent soixante ans après, quel bilan?

 

 

                                  Dimension Historique

 

      Après l’abolition de l’esclavage en 1848, les Esclaves Nègres, par milliers,fuirent les habitations, provoquant ainsi une chute brutale de la production sucrière.

 

      Pour  relancer cette production, les Colons français utilisèrent de préférence  la main d’œuvre indienne, réputée  travailleuse, sincère, docile et respectueuse,  ceci d’autant plus, que la France disposait à cette époque  en Inde de cinq comptoirs: Pondichéry, Karikal, Mahé, Yanaon et Chandernagor au Bengale.

 

    C’est ainsi que 43 326 Indiens, engagés pour cinq ans, riches de leur culture, quittèrent l’Inde entre 1854 et 1889, pour accoster sur les rives lointaines de la Guadeloupe,après trois mois de navigation, le cœur rempli de rêves et d’espérances.

 

   Ce qui leur était présenté comme un rêve, devint très vite en réalité, un véritable cauchemar.

 

   En effet, l’immigration indienne en Guadeloupe a été extrêmemnt douloureuse. Le “non respect organisé” de la convention Franco-Britanique du 1ier juillet 1861, du contrat des Engagés et du décret du 27 mars 1852 qui réglemente l’immigration indienne dans les colonnies françaises ouvrait la porte à toutes les dérives.

 

 

 

 

 

   “toutes les formes possibles et imaginables de violence sont pratiquées contre les Indiens”. *

 

 “Sur les habitations, les Indiens sont en permanence soumis à une situation de violence.Violence institutionnelle avec le maintien d’une législation répressive, spécifique à leur encontre, violence dans leurs conditions de vie avec notamment une nourriture inadaptée et insuffisante,interdiction de vivre leur culture et de pratiquer leur culte, violence dans leurs conditions de travail avec des horaires excessifs et des engagements interminables, violence physique enfin dans leurs relations avec les Engagistes et leurs subordonnés. *

 

A Capesterre, un Engagiste trouve tout à fait normal de flanquer “une raclée sur les fesses à un Indien (Coutoumoutou)particulièrement fugueur toutes les fois ou il part en marronnage.

Voici, un homme libre, traité comme une bête féroce (on le ramenait ligoté), humilié publiquement par une fessée, dont les réactions de rage impuissantes indiquent bien le caractère dégradant du traitement dont il fait l’objet. “son air féroce”, il rugissait lorsqu’il voyait mon Père apparaitre la cravache à la main. *

 

Pour les Planteurs,l’Indien n’est qu’un investissement qui doit être rentabilisé à tout prix; il leur faut récupérer les 250F à 300F par tête déboursés pour obtenir des Immigrants. Quand la récolte presse, avance sans honte un grand propriétaire, poursuivi pour mauvais traitement à Indien, je force mes travailleurs. Ils en meurent DIX s’il le faut, je les remplace par le prochain convoi, mais j’ai gagné 20.000 F.”  *

 

En 1891, le Major Comins, un haut fonctionnaire du Gouvernement de l’Inde envoyé en mission d’information sur la situation des Indiens de la Caraibe,note, à propos de ceux de la Guadeloupe, qu’on les retient jusqu’à ce qu’ils ne soient plus bons à rien (Until they are of no further use).  *

 

l’administration ‘trie’ les demandes de rapatriement de façon à embarquer prioritairement ce que l’on appelle cyniquement les ‘non-valeurs’, ‘les déchets’: vieillards (40 ans) épuisés par une vie de misère et de souffrance sur les habitations,invalides, infirmes, indigents etc“.*

 

 

 

       Le non rapatriement de la majorité des Indiens contre leur volonté et au mépris de la convention Franco-Britanique du 01 juillet 1861 a été sans aucun doute la phase la plus dramatique de l’histoire de l’immigration indienne en Guadeloupe.

 

       En effet, quand les Indiens se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient plus revenir dans leur Pays, l’Inde, comme il était prévu dans leur contrat, qu’ils étaient bloqués en Guadeloupe, beaucoup se sont suicidés, beaucoup se sont révoltés, d’autres ont été déportés, sont morts dans des conditions inhumaines,ou ont été tués lors de  violentes répressions qui s’en suivirent.

 

        Beaucoup de zones d’ombre restent encore à éclaircir, concernant les violences faites aux Indiens.

 

      Les Survivants, terrorisés par la brutalité de la répression, par peur, impuissants, n’avaient pas d’autres choix que de se résigner à rester sur cette Terre de Guadeloupe souffrant le martyre “d’un déraciné” qu’ils étaient désormais devenus.

 

      C’est dans ce contexte que les Indiens sont devenus Français, sans jamais avoir renié leur nationalité, leur culture et leur culte. ” Tout leur a été imposé”.

 

 

                                   Bilan Culturel

 

 

      Les interdits, la politique d’assimilition à outrance, l’éloignement et la longue période d’isolement, la rupture avec la Mère patrie l’Inde et la Diaspora ont entrainé une déperdition de nos valeurs culturelles et cultuelles. Actuellement, la culture indienne est quasi inexistante en Guadeloupe, contrairement aux autres Iles de la Caraïbe anglophone, de la Réunion et de l’Ile Maurice…

 

      La plus grosse menace immédiate pour les “Indiens de Guadeloupe” comme nous sommes appelés communément, c’est la disparition programmée de ce qui leur reste de cette culture indienne avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.

 

 

      Aujourd’hui, les entreprises ont brisé les frontières, internet permet aux citoyens du monde de se rencontrer, d’échanger, grace aux technologies de l’information et de la communication,

 

les “Indiens de Guadeloupe” découvrent leur culture et mesurent un peu plus chaque jour comment elle leur manque.

 

     Ce sont les raisons pour lesquelles nous nous battons depuis plusieurs années pour la création d’un Espace Culturel

Indien, respectueux de notre histoire et de notre culture, où tous les fondamentaux de la culture indienne seront présents afin de nous permettre de la découvrir, de la vivre, de pratiquer nos cultes originels et aussi initier tous les passionnés de cette culture, dans le respect des lois de la République Française.

 

     La très faible place accordée par les médias et les autorités locales à la diversité culturelle et à la promotion des minorités culturelles,malgré la convention de l’UNESCO

de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, l’urgence qu’il y a, d’agir vite, avant que ne se dissolvent “culturellement les Indiens de Guadeloupe, nous amènent à solliciter la contribution de Tous ( Europe, France, Inde, Guadeloupe et  la Diaspora Indienne) pour la réalisation de cet Espace Culturel Indien.

 

     Ce serait, le plus beau cadeau, pour faire oublier tant d’années d’isolement, de souffrances et d’espoir, mais aussi, une superbe vitrine pour  la culture indienne en Guadeloupe, aux Antilles et dans la Caraïbe.

 

   Par Amour, par respect, pour ces milliers d’Indiens et d’Indiennes, “ces déracinés” qui ont tant souffert et qui sont morts sur cette terre, nous avons le devoir de leur rendre cet hommage, en matérialisant cette présence indienne par la création de cet espace culturel.

 

     L’intérêt de cet espace culturel est multiple:

 

·       Donner un sens, une valeur à la présence indienne en Guadeloupe,

·       Permettre aux Indiens de Guadeloupe et autres passionnés de leur culture, de la découvrir et de la vivre,

·       Contribuer au développement de la Guadeloupe, en effet, la Culture est  devenue un vecteur de développement économique durable,

 

·       Renforcer la cohésion sociale,

·       Développer le “Vivre Ensemble”.

 

 

                       Bilan Economique

 

 

      Si quelques Familles indiennes ont pu acquérir un patrimoine foncier et financier par leur acharnement au travail qui était aussi leur seul moyen de s’affirmer et de se faire respecter, d’autres ont pu se faire une place avec un relatif succès dans des secteurs d’activités comme le BTP, le Transport, l’Environnement, l’Agriculture.. mais l’immense majorité des Indiens reste des salariés et surtout des ouvriers agricoles.

    

      La crise aigûe et durable que traverse l’Europe, la France et par la même occasion la Guadeloupe fragilise de plus en plus cette situation, qui risque d’être préoccupante durant les décennies à venir. On note déjà, un nombre croissant d’Indiens demandeurs d’emploi et bénéficiaires des minimas sociaux.

 

                                Bilan Politique

 

      La quasi absence d’ “Indiens de Guadeloupe” sur l’échiquier politique est révélateur d’un profond malaise. En effet, à chaque élection, et ceci, depuis les élections municipales de 1945 à Capesterre (Belle-Eau), des propos, des actes, des combines, des stratégies à l’encontre des “Candidats indiens” se multiplient dans le seul but de les discréditer, de leur barrer la route à une éventuelle victoire, avec aussi et surtout de lourdes conséquences sur la vie quotidienne, en terme de discrimination, ce qui fait de la Guadeloupe, un cas unique parmi tous les Pays où la diaspora indienne est relativement importante. En effet, dans ces Pays, les Autorités Locales favorisent leur intégration en contribuant à leur accession à des Responsabilités importantes tant sur le plan Politique, Administratif, Economique… ,dans un souci de cohésion sociale , de mieux vivre ensemble, sources d’efficacité.

 

            Perspectives ” Guadeloupe – Inde”

 

      Présentée, souvent sous un angle négatif par les médias occidentaux, l’Inde aujourd’hui est devenue une puissance culturelle, scientifique et sera demain une super puissance économique.

 

 

 

 

     Nous vivons en réalité, la fin d’un monde dominé par l’Occident et l’émergence d’un nouveau monde qui se construit autourdes Pays : Brésil,  Russie, Inde, Chine (BRIC) sans oublier les nouveaux Pays émergents. Ce basculement qui est en train de s’opérer, va entrainer de profonds bouleversements dans les relations internationales et la Gouvernance du Monde.

 

    Nous, qui sommes Département Français, rattaché à l’Europe, nous commençons à mesurer, à vivre les difficultés,qui sans aucun doute vont croître dans les mois et années à venir.

 

    Ce qui est à redouter, comme souvent, dans les sociétés en crise, que les vieux démons de la haine, du racisme et de la xénophobie resurgissent. La banalisation d’actes racistes en Europe ces derniers mois en est la preuve  inquiétante.

 

    Face à cette nouvelle donne, il est important pour nous, d’oeuvrer au développement des échanges (économique, scientifique, technique, universitaire, culturel…) entre la Guadeloupe et l’Inde et plus largement entre l’Inde et les territoires français, afin de contribuer à l’amélioration des rapports mutuels, fructueux et développer des liens d’Amitié forts entre nos Peuples.

 

 

    Pour ce qui nous concerne,”les Oubliés de la Diaspora” dont les documents ont disparu et ont été massivement détruits entre 1940 et 1943 à l’époque du Gouverneur de la Guadeloupe Constant SORIN, après tant d’années d’isolement, la carte OCI,(citoyen outre mer de l’Inde) dont nous sommes demandeurs, va nous permettre enfin, de renouer des liens durables avec notre Pays d’Origine, d’ouvrir de nouvelles opportunités à Nous, mais surtout aux Générations Futures,  de développer des échanges, de contribuer encore plus au développement de la Guadeloupe, de regarder l’Avenir avec

 

sérénité et confiance, d’intégrer cette “Grande Famille Globale Indienne” qu’est la Diaspora Indienne et d’oublier définitivement  tant d’années, de violence, de souffrance et d’humiliations.

 

 

 

  C’est un vaste chantier, pour lequel nous sollicitons le soutien de Tous pour une Guadeloupe plus Forte, plus Fraternelle, plus Prospère.

 

                                                                                               

                                                       Guadeloupe le 08 Juin 2014

 

                                                                                                   

                                                 Président de Gopio Guadeloupe

                                                                                                        

                                                           Michel NARAYANINSAMY

                                                                                                

                                                      contact@gopio-guadeloupe.fr

 

 

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp

Derniers actualités

Retour en haut