Entretien avec Anabella CRANE sur les violences conjugales.

 

Anabella CRANE est depuis de longues années une fervente défenseuse des droits des femmes et de leurs valeurs. Suite à plusieurs drames conjugaux survenus en Guadeloupe ces dernières années, nous l’avons rencontrée afin qu’elle nous donne son avis sur ce fléau.  

News Antilles

Comment expliquez-vous que certains guadeloupéens commettent autant de violences (verbales ou physiques) envers les femmes ?

Anabella CRANE

De nos jours, la femme évolue avec son temps et a atteint une certaine autonomie et ne se laisse plus faire. De ce fait, elle refuse la soumission et ose prendre la ferme décision de quitter son conjoint, quand il n’y a plus d’entente, de confiance  et que surtout l’amour n’est plus. Alors, certains hommes ont du mal à accepter cette résistance et la fin du couple. Puis, dans un but de  « domination » ou de « destruction » usent de la violence pour parvenir à leur fin. De ce fait, ces « bourreaux » ou « conjoints violents » commencent toujours par contrôler leur femme psychologiquement (isolement de la victime sur le plan géographique, familial, professionnel, affectif, social, emprise psychologique, menaces) avant de passer à l’acte. Alors ils sont facilement repérables. Il nous appartient à ces moments précis de nous rapprocher de la victime afin de l’aider à comprendre qu’elle est en danger et qu’il lui faut prendre l’attache d’une association de lutte contre les violences faites aux femmes. Pour observation, l’homme violent existe dans tous les milieux sociaux et n’est pas forcément issu d’un milieu défavorisé, ni alcoolique et rustre, il est aussi courtois et insoupçonnable en apparence. Car un conjoint violent a toujours deux visages : formidable et très amoureux en public, irritable et méchant une fois à la maison. C’est ce qui trompe ! On entend souvent lors des témoignages des proches durant les procès « il était calme et très gentil ». Alors ; il nous faut être toujours vigilant et d’être à l’écoute des potentielles victimes, malgré les apparences. (Voir mon guide pratique de résistance aux violences faites aux femmes).

 

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Sur les trois dernières années plusieurs femmes sont malheureusement décédées suite à des violences conjugales, quelle explication pouvez-vous donner ?

Anabella CRANE

Je suis encore sous le choc de cette vague de « féminicide » en Guadeloupe. J’ai été sur le terrain à la rencontre des familles et jusqu’à ce jour, je reste meurtrie. Je ne peux pas vraiment donner d’explication à cela car des instructions judiciaires sont en cours et je reste cependant, en attente des procès à venir. Mais, je peux tout de même faire ce constat : l’alcool a souvent été mis en cause pour masquer « l’intention du drame ». Il y a eu aussi le passage au suicide après avoir commis l’irréparable. Cela démontre que ces auteurs de violence envers toutes ces femmes ont fait preuve de lâcheté et n’ont malheureusement pas pu « maîtriser » leur pulsion. Ils ont fait abstraction de la communication et se sont transformés en agissant en monstre. Je peux dire également que l’engagement au préalable du couple basé sur le respect mutuel a été bafoué. 

En effet, quand l’Amour avec un grand A, le Respect mutuel avec un grand R, la Confiance et la communication avec un grand C, facteurs essentiels qui contribuent au bonheur ne sont plus au sein du couple alors la jalousie maladive, le déni et la violence s’installent petit à petit.  Les femmes victimes de violences conjugales vivent à ces moments précis dans la crainte de leur conjoint violent.  Par conséquent, ce qui peut atténuer cela, c’est savoir faire preuve de « conciliation », et cela est extrêmement difficile à mettre en œuvre. Malheureusement,  l’homme de part sa « fragilité » craque par orgueil et passe à l’acte irréparable. Il est impératif que toutes les guadeloupéennes soient informées de leurs droits et comme pour aller voir un concert gratuit ou autre se déplacer pour aller à la recherche des informations préventives afin d’éviter de subir naïvement.

 

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Vous qui défendez corps et âme les causes des femmes en Guadeloupe, pensez-vous qu’elles sont plus vulnérables qu’il y a quelques années ?

Anabella CRANE

En tant que féministe, je pense véritablement qu’elles sont beaucoup moins vulnérables qu’il y a quelques années. Car, autrefois, les femmes ne travaillaient pas, alors elles étaient beaucoup plus soumises, elles dépendaient économiquement des hommes. Elles ne pouvaient pas subvenir aux besoins des enfants seules. Tandis qu’actuellement, elles travaillent, elles sont diplômées, elles portent leur contribution à la maison et elles se disent « je ne vais pas me laisser faire », il y a alors une résistance qui s’installent. Elles sont plus libérales. Il y a une évolution de la mentalité au niveau des familles, car elle intervient quand il y a mésentente, et elle s’adresse aux associations, tandis qu’autrefois, les familles disaient d’obéir au mari, qu’il a raison et de rester chez soi et sortaient souvent ce dicton « « ou mayé kimbé ».  Actuellement les femmes sont beaucoup plus cultivées qu’auparavant, elles voyagent, elles regardent des reportages.  Les femmes ont un autre regard d’où une autre vision du couple, ce qui est très mal perçu par l’homme qui n’a jamais cherché à évoluer et qui fonctionne à l’ancienne.

 

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Selon vous, quels peuvent être les moyens déployés afin de briser la loi du silence ?

Anabella CRANE

Premièrement, il existe un numéro « vert » en Guadeloupe : le 0800391919. Il s’agit  d’un numéro d’appel gratuit mis à la disposition de toute femme souhaitant dénoncer des actes de violence conjugale.C’est alors le premier pas pour briser le silence dès la première gifle. Mais, il faudrait déployer davantage de communication autour de ce numéro préventif dans le but de faire évoluer les mentalités. Il faut impérativement que ce numéro soit connu de tous et intégré dans notre quotidien.

Deuxièmement, les élus doivent s’engager quotidiennement dans ce combat et avec foi. De ce fait, construire une réelle politique publique contre les violences faites aux femmes adaptées au territoire Guadeloupéen est un des moyens à déployer. Car lutter contre ce fléau est un véritable acte politique qui s’inscrit dans un projet de transformation sociale : déconstruire les idées reçues, changer les mentalités, dénoncez l’inacceptable, protéger les victimes dès les premiers actes violents.

Troisièmement,agir en réseau constructif est l’un des moyens les plus efficace afin de combattre ce lourd fléau au sein de notre département en assurant sa pérennité.  C’est en ce sens, que j’ai réalisé un guide pratique de résistance aux violences faites aux femmes avec l’ensemble des partenaires du réseau local que j’ai constitué le 21 Janvier 2011. Le but est d’informer et guider les familles, les élus, la communauté scolaire et les interlocuteurs des femmes victimes de violences. Ce guide a pour objectif  de briser le silence et de permettre aussi aux auteurs de s’identifier à travers les explications des professionnels.

 

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Pensez-vous que le rétablissement de la peine de mort serait un moyen de dissuader certains hommes de commettre des violences ?

Anabella CRANE

Pour être honnête et franche je pense que OUI, car selon moi, la peine de mort s’impose comme le moyen le plus efficace pour dissuader certains hommes de commettre des violences mais aussi des crimes. Je suis pour le « kif, kif », car de la même façon que ces hommes font régner la terreur dans leur foyer afin de détruire leur femme tant sur le plan psychologique que physique, c’est comme cela aussi qu’il faut agir envers eux. Car, elle permet aussi de juger un auteur de violence et de prévenir du retour de celui -ci dans la société et de récidiver. On a cette vision surtout quand on a été victime de violence.

 

Mais, de part mes convictions spirituelles, à froid, je reste convaincue que la peine de mort est une violation de la parole divine et des droits fondamentaux de l’être humain. Je suis tout de même consciente que la peine de mort est faillible car des condamnés à mort ont déjà été innocentés après leur exécution et que surtout le présumé auteur des faits n’a pas recours à une deuxième chance.

 

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