JABE, peintre originaire de Guadeloupe, à la galerie VELLUTINI, dans le très branché 6ème arrdt de Paris, du 15 septembre au 15 octobre.
JABE est né en Guadeloupe en 1976, d’un père guadeloupéen et d’une mère bretonne, pendant les « évènements de la Soufrière », le volcan dont les agitations ont chamboulé profondément la vie sociale et économique de l’archipel. Il souligne que son père était noir et sa mère blanche, se souvient qu’on l’appelait « chabin jaune » et joute. « je ne suis ni noir ni blanc, je suis métis, et de ce fait je suis toutes les couleurs ».
Les couleurs constituent ainsi depuis toujours la clé de son rapport au monde réel comme à son univers personnel. Elles ont été son alphabet et celui-ci s’est décliné successivement en des langages différents. JABE s’est en effet d’abord exprimé dans le monde de la Mode comme maquilleur. Il a ensuite travaillé, dans ce même univers, à la recherche en laboratoire de nouvelles couleurs et matières. Dans un 3ème temps de son cheminement, il a créé un magazine de mode international, qui fut une référence. Si les couleurs n’avaient plus de secret pour lui, et si la Beauté, comme sublimation du Réel, était depuis toujours son centre d’intérêt exclusif, il ne savait pas encore qui, lui, JABE, était vraiment. La chrysalide devait céder la place au papillon. Un besoin vital d’inventer un nouveau langage des couleurs et de se révéler à lui-même s’est alors imposé naturellement et sans pour autant rupture avec les autres activités qu’il poursuit dans l’univers de la Beauté.
En intitulant la 1ère série de ses toiles, peintes en 2018, « Décomposition d’une renaissance », JABE exprime assez que sa création l’a révélé à lui-même. EUREKA ! Ses abstractions figuratives laissent le spectateur d’autant plus libre d’imaginer ce qui est masqué que JABE ne donne pas de nom à ses toiles, seulement des numéros dans la série. Pour ma part, devant les toiles de la 1ère série, j’ai été pénétrée d’une atmosphère tropicale de forêts, cascades, barrière de corail et profondeurs marines. Après les bleus, les rouges, la 2ème série de toiles a pour titre « Mes rouges », où l’or, qui semble représenter la lumière, a aussi une bonne place. « Ineffable parasite », la 3ème série, regroupe des toiles où la peinture acrylique est enrichie de cristallisations en volume très singulières pour ne pas dire étranges voire inquiétantes. Les deux dernières séries « Marines » et « Variations Outre-mer » pourraient bien traduire la conscience prise par JABE de l’importance dans son identité des paysages marins de son enfance en Guadeloupe… Ayant moi-même vécu plus d’un quart de siècle dans cet archipel, devant l’explosion des couleurs des toiles de JABE, où dominent, alternativement, les tonalités de bleus, de rouges et d’or, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec les circonstances de sa naissance et les paysages marins de la Caraïbe.
« Nul n’est prophète en son pays » et JABE, après un épisode un peu compliqué de retour au pays natal il y a une quinzaine d’années, a été bien placé pour méditer cette parole d’Evangile. Il est dommage que la Guadeloupe reste dans l’ignorance d’un artiste inspiré qui est aussi un enfant du pays. Est-il permis d’espérer au moins «le retour de l’enfant prodigue » pour une exposition ?