La sortie de crise commande de revenir à la confiance.

La crise sanitaire a pris un nouveau tour en Guadeloupe depuis la fin de la semaine dernière. Après la nuit enflammée de Pointe-à-Pitre (cf p18), l’immixtion sur les barrages de jeunes et très jeunes Guadeloupéens a donné un autre visage à la contestation.

Contestation qui n’est plus seulement sanitaire mais bel et bien économique et sociale. Il n’y a, depuis longtemps, pas un seul responsable politique ou syndical en Guadeloupe, et de journaliste séryé, qui n’ait fait le constat d’une situation économique et sociale catastrophique. Il n’y a pas un seul territoire de l’Hexagone qui aurait enduré durant tant d’années un bilan aussi négatif sur ses forces vives : chômage chronique de 20% et 60% pour les moins de 26 ans, pauvreté (34% en dessous du seuil de pauvreté contre 15% en France), illettrisme de 25% contre 7% en France etc… On aurait pu penser qu’il ne s’agisse là que d’écarts dus au système capitaliste avec d’un côté les riches et de l’autre les pauvres. Un système qui reposerait sur la seule lutte des classes. Mais, nous l’avions déjà dénoncé bien avant 2009 dans ces colonnes ce système, sur lequel vient également se greffer les relents d’un déclassement pigmentaire qui engendre un sentiment de désappropriation récurent qui s’immisce dans toutes les strates de notre société. Surtout quand tous les postes à responsabilité dans toutes administrations de l’État et dans toutes les grandes entreprises sont systématiquement occupés par des allogènes sans que l’on sache vraiment sur quels critères.  Sinon celui de l’entre-soi !

Et quand, à ce sentiment d’exclusion dans la gouvernance de son propre pays vient s’ajouter l’éloignement des centres de décisions, il n’est pas étonnant que de manière récurrente, la coupe déborde.

La contestation de l’obligation vaccinale et du passe sanitaire ne sont alors que les étincelles qui allument le brasier de frustrations bien plus profondes. Les fractures de notre société qui s’expriment aujourd’hui n’ont rien de réellement politique, sauf à la marge. Elles sont bien le fruit d’un mal-être dans cette société, d’une précarité économique permanente qui ne laissent aucun espoir à ceux qui se sentent  progressivement exclus.

Contrairement à 2009, où le LKP qui est né de cette exigence d’obtenir un mieux vivre pour les plus démunis de Guadeloupe, maîtrisait la contestation parce que soutenu par le peuple d’une manière indifférenciée, l’irruption des jeunes déclassés sur la scène sociale met à nu les échecs des politiques menées jusque-là.  En 2021 les acteurs historiques pour le leader du CIPPA Alain PLAISIR ne sont plus les mêmes et d’autres acteurs et groupuscules  se sont invités, bruyamment, à la table.

Et ici, il faudra bien que l’État, au-delà de la mise en œuvre de plans et de programmes conçus pour l’Hexagone, prennent en compte les retards de développement qui s’accroissent années après années. Si l’expérience de 2009 montre que les grandes messes médiatiques ont leurs limites, le temps est venu que toutes les parties, y compris les syndicats, y compris la société civile participent avec les élus, les entreprises à la mise en œuvre d’un véritable rattrapage économique et social. Ce gouvernement comme les autres n’a jamais œuvré réellement pour un développement économique, avec  au centre, les intérêts du pays. Avec des citoyens davantage acteurs que spectateurs de leur avenir.

Faute de concevoir une méthode de gouvernance qui prennent en compte l’intelligence, la connaissance et l’expérience locales, l’État ne pourra jamais éviter la récurrence de telles explosions sociales. Avec des conséquences imprévisibles et  douloureuses pour tous. Et qui pourraient même être fatales pour certains. La surenchère dans la violence pour dénoncer, concurrencer ou imposer,  n’est ni raisonnable et encore moins acceptable. Et ce d’autant que c’est toujours la population et ces forces vives, qui paient  au prix fort les dommages collatéraux.

L’affrontement chaque nuit entre forces de l’ordre et jeunes Guadeloupéens de quartiers paupérisés est un échec pour la démocratie. La population prise en otage  entre le marteau et l’enclume, est bien consciente que cette guérilla urbaine est à déplorée.

Quant à savoir comment surmonter l’application de la loi du 5 août sur l’obligation vaccinale, à défaut d’attendre une cinquième vague dévastatrice, il faut offrir une porte de sortie en s’appuyant là aussi sur les soignants de proximité. Pour apprendre de ses erreurs, il faut d’abord les reconnaître. Je l’écrivais dans ces colonnes, l’État n’a rien à perdre à favoriser la co-construction de la Guadeloupe avec les Guadeloupéens. Si cela eut été le cas, il y a longtemps que les Guadeloupéens seraient, à l’instar des Réunionnais massivement vaccinés.

Avec la défiance qui s’est installée, il faut pour récoler les morceaux,  en venir à l’évaluation  des politiques publiques dans toutes les gouvernances sur le territoire. Les promesses électorales et gouvernementales doivent se réaliser. Nous appelons à une intelligence collaborative. Avec comme je ne cesse de le préconiser une  transparence des projets. Pour faire adhérer et surtout impliquer tous les acteurs politiques, sociaux et culturels.

La responsabilité est toujours collective. Quand on a touché comme en ce moment le fond,  on ne peut que rebondir. Mais il y a toujours plus bas que le fond.  Fermons cette boite maléfique de Pandore.

La sortie de crise commande de revenir à la confiance. De parler d’une même voix, responsable, cohérente et respectueuse ? Mettons le savoir, l’ambition, la résilience et la responsabilité au pouvoir. Il y va de notre avenir à tous.

Notre Guadeloupe pleure. C’est insupportable !

Rodes Jean-Claude.

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