XVIIe CONFERENCE DES PRESIDENTS DES REGIONS ULTRAPERIPHERIQUES D’EUROPE

 

ALLOCUTION DU PRESIDENT DU CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE

M. Victorin LUREL

Fort-de-France – Jeudi 3 novembre 2011

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président de la Conférence,

Messieurs les présidents des RUP,

Mesdames et Messieurs les représentants de la commission européenne,

Mesdames et Messieurs en vos grades et qualité,

Nous sommes réunis ici, en Martinique, au moment même où l’Union européenne traverse une crise sans précédent dans son histoire. Et nous savons, tous, que notre situation de région ultrapériphérique ne nous place pas, bien au contraire, à la périphérie des nombreuses conséquences négatives de cette crise.Les Etats auxquels nous appartenons connaissent, chacun à des degrés divers, un endettement si important qu’ils sont tous contraints de mettre en œuvre des plans de rigueur qui impliquent des réductions significatives de leurs dépenses publiques qui, selon toute vraisemblance, vont s’étaler dans le temps, en raison de la croissance pour le moins atone prévue à court et à moyen terme dans la zone euro. Inévitablement, cette austérité et ses effets touchent déjà et toucheront encore plus fortement qu’ailleurs nos RUP, qui – pour la plupart – figurent parmi les régions les plus fragiles de l’Union.

Dans ce contexte troublé à en épuiser les superlatifs, notre statut de RUP, qui fonde une relation que j’ose qualifier de privilégiée avec l’Union européenne, apparaît plus que jamais comme le levier indispensable, qui peut permettre à nos régions de continuer, malgré la crise, à investir, à se développer, afin de remplir notre part des objectifs de la stratégie 2020 de croissance intelligente, durable et inclusive.Car, s’il est évidemment souhaitable que nos Etats se désendettent avec célérité et que nous y prenions naturellement toute notre part, l’Europe doit absolument demeurer le moteur puissant des investissements d’avenir dans nos régions. Moteur sans lequel le chemin de l’austérité et de la rigueur se révélera être une voie suicidaire vers la récession pour nos Etats, et à plus forte raison pour nous RUP.

Il nous revient donc de continuer à travailler ensemble pour une meilleure prise en compte de notre statut de RUP. La déclaration finale, que nous allons signer dans un moment, dresse un panorama complet de nos demandes en ce sens. Je veux d’ailleurs saluer les travaux conduits sous l’autorité et la coordination de mon ami le président Serge LETCHIMY, qui aura démontré tout son dynamisme et sa hauteur de vues lors de son tour de présidence des RUP. C’est un excellent travail de qualité et je partage totalement les propos que le président LETCHIMY a tenu il y a un moment à la tribune. Mais, je voudrais pour ma part insister sur trois points : l’insertion régionale, l’impact des accords internationaux sur nos territoires et l’earmarking.

S’agissant de l’insertion régionale, il s’agit d’un défi majeur pour toutes les RUP et une priorité communautaire depuis 2004. Nous bénéficions à cette fin du programme Interreg qui est un formidable outil permettant de valoriser nos opportunités économiques et commerciales. La Guadeloupe assure l’autorité de gestion de ce programme, mais nous rencontrons de réelles difficultés pour mener à bien des projets conjoints avec nos voisins de la Caraïbe. En dépit des nombreuses discussions menées sur ce sujet, je regrette que nous n’ayons pas progressé sur la mise en place d’un instrument financier commun aux partenaires communautaires et extracommunautaires, réunissant le FEDER et une partie du FED.

Depuis de trop nombreuses années nous faisons et refaisons le constat unanime de sa nécessité pour pallier l’impossibilité, en l’état, d’articuler ces deux fonds. Or rien dans le projet de règlement relatif à la coopération territoriale ne laisse envisager une avancée sur cette question. J’ai même le sentiment d’un recul, car les contraintes réglementaires proposées vont, à mon sens, compliquer encore davantage la mise en oeuvre d’un programme connu pour sa complexité au point de le rendre, parfois, inopérant.  Le rapport SOLBES, dont je tiens à saluer ici la qualité, invite utilement à faire preuve de pragmatisme sur cette question. Il convient également, je le crois, d’étudier la pertinence de certains règlements et normes européennes qui s’appliquent à nos régions et qui, dans certains cas, sont des freins à leur insertion régionale. C’est le cas de l’interdiction de l’exportation de déchets vers les pays tiers qui, aujourd’hui, empêche la mise en place d’une organisation de traitement et de valorisation, dont les unités seraient mutualisées avec des pays tiers voisins, à l’échelle des grandes zones régionales. C’est aussi le cas des normes qui encadrent les carburants et qui nous contraignent à nous approvisionner à des prix plus élevés que l’ensemble de nos voisins de la Caraïbe.Par ailleurs, la Commission européenne pourrait donner d’autres signes forts de sa volonté de nous accompagner dans ce chantier de l’insertion régionale en décidant, par exemple, comme je l’ai proposé au président de la Commission, d’implanter une délégation de l’Union européenne en Guadeloupe, dont la mission serait de faciliter la coopération entre les RUP et les pays tiers avoisinants. J’ai même indiqué à M. BAROSO que la Région Guadeloupe était prête à mettre à disposition les locaux pour une telle délégation de l’Union qui compléterait avantageusement l’implantation en Martinique de la représentation de la Banque européenne d’investissement.

La Guadeloupe a la volonté de construire un partenariat économique et social viable avec ses voisins, et en premier lieu avec les pays de l’OECS. J’insiste sur le critère « gagnant-gagnant » que doivent toujours respecter nos projets, même si ce critère n’implique pas systématiquement une contribution financière, en numéraire, des deux parties.Avec l’OECS, il est obligatoire de développer par exemple le cabotage et toutes les initiatives de transport maritime pour relier nos territoires et faciliter les contacts de toutes natures. Je compte d’ailleurs travailler étroitement sur cette question avec au moins trois îles de l’OECS qui m’ont personnellement approché en ce sens : la Dominique, Montserrat, Antigue, voire peut-être Saint-Kitts. Antigue a récemment inauguré une nouvelle gare maritime co-financée par le FED et il nous apparaît naturel de rechercher ensemble les voies et les moyens de rentabiliser ce nouvel outil en proposant des dessertes, vers et au départ, de la Guadeloupe, notamment en proposant l’ouverture d’un poste maritime. La question du transport maritime constitue en effet une passerelle vers de nouvelles opportunités commerciales et touristiques, notamment en matière de tourisme multi-destinations. Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, je renouvelle ici ma demande d’adhésion aux organisations régionales, internationales et à leurs satellites.

La deuxième question qui me préoccupe tout particulièrement est celle de l’impact des accords internationaux sur nos micro-territoires. Comme vous le savez, un accord de partenariat économique a été signé en 2008 pour refonder les relations commerciales entre l’Union européenne et les pays de la Caraïbe.

Cinq grandes catégories de mesures régissent désormais ce partenariat:

        la libéralisation progressive du commerce des marchandises ;

        le renforcement du commerce des services ;

        l’accès équitable des investisseurs du CARIFORUM et de l’UE à leurs marchés respectifs ;

        des règles de transparence et de libre-concurrence ;

        la protection des droits de propriété intellectuelle.

Or, la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques de la zone dans la politique commerciale de la Commission est quasi-nulle. Il n’y a aucune évaluation systématique des effets sur nos régions des accords commerciaux qu’il revient  la Commission de négocier, particulièrement grâce à des études d’impact. C’est également le cas de l’accord conclu avec le Mercosur.Il faut, là encore, progresser significativement sur cette question, afin d’introduire davantage de réciprocité entre nos régions et les pays voisins en abaissant les barrières aussi bien tarifaires que non tarifaires.

Enfin, je veux évoquer une nouvelle fois devant vous la question de l’earmarking, afin d’attirer votre attention sur l’évolution des besoins en investissements des régions comme la mienne. Je plaide depuis plusieurs années pour que l’earmarking soit assoupli, car il nous reste de nombreuses infrastructures à réaliser pour combler nos retards de développement, notamment en matière de transports ou d’assainissement.

Mais, déjà, d’autres défis se présentent à nous. La Guadeloupe, comme la Martinique du reste, connaît une situation paradoxale qui en fait aujourd’hui l’une des régions les plus jeunes de France, et qui en fera dans 30 ans l’une des régions les plus vieillissantes.Ce paradoxe doit nous conduire dès à présent à anticiper la principale conséquence de cette projection : la croissance exponentielle dans les prochaines années du nombre de personnes âgées et, surtout du nombre de personnes âgées dépendantes et en demande de soins. Il faudra très rapidement – et en très grand nombre – des lits d’hôpitaux, des EPAHD, des maisons de retraite, des maisons médicalisées et, plus globalement, un système performant de prise en charge.

Or, aujourd’hui, rien de tout cela n’est correctement financé par l’Etat qui – je dois le dire au passage – ne fait plus jouer autant que nécessaire le principe d’additionnalité. Et ces investissements ne sont pas, non plus, « earmarkés » selon les critères de l’Union européenne. Pourtant, ce défi écrasant, je le dis, ne pourra pas être relevé sans un soutien fort de l’Europe. Ce soutien s’avère encore plus nécessaire dans le contexte de réduction des dépenses publiques que j’évoquais au début de mon propos et ce, d’autant plus que les banques ne jouent pas le rôle de financeurs de l’économie autant qu’il le faudrait et que nos collectivités majeures ont des ressources limitées.

Chacun doit comprendre que l’objectif de croissance intelligente, durable et inclusive de la stratégie 2020 sera beaucoup plus difficilement atteint si l’on fait peser trop fortement sur les actifs les investissements nécessaires à la prise en charge de la grande dépendance.Le challenge est donc de pérenniser les financements européens et, pourquoi pas, d’étendre à la France l’éligibilité au Fonds de cohésion, mais spécifiquement pour ses RUP.

Je vous remercie.

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