Quoiqu’on entende aujourd’hui, il n’a jamais été question pour Lucette MICHAUX-CHEVRY.

Lucette MICHAUX-CHEVRY n’est plus. La nouvelle, même si elle était attendue, signe la fin d’une époque tant LMC aura marqué la vie politique de la Guadeloupe sur les 50 dernières années. On peut dire qu’il y aura eu un avant et un après CHEVRY dans la manière même de concevoir la vie et surtout le combat politique. Avec sa fougue, son tempérament de feu, LMC n’avait de cesse de rechercher la gagne à tout prix. Elle savait mieux que quiconque galvaniser ses troupes et surtout les tenir. Pour être un grand politique, il faut commencer par le commencement, avec comme préalable, savoir se faire élire. Et Lucette MICHAUX-CHEVRY à l’école de Lucien BERNIER et de Jacques CHIRAC ayant lu certainement Machiavel (la fin justifiant les moyens), avait appris l’art de « manier » les foules et de la technique électorale dont elle a su maîtriser tous les rouages et les subtilités.

C’est ainsi que dès le début de sa carrière, elle avait su mystifier des vieux caciques de la politique locale pour s’emparer du Conseil Général. Femme et avocate, elle était mieux armée que les autres pour résister aux préjugés sexistes des hommes en politique. Il faut reconnaître que par son exemple, elle avait, comme son modèle Gerty ARCHIMÈDE, entraîné de nombreuses femmes dans son sillage politique. Et cela bien avant les lois sur la parité.

Seconde femme de France à être présidente de Département, première femme présidente de Région, elle a connu tous les mandats électoraux à part celui de président de la République. Elle est également à ce jour le seul élu de Guadeloupe à avoir dirigé deux communes différentes, Gourbeyre et Basse-Terre, tout en ayant également été élue conseillère générale à Saint-Claude.

Maniant, à la fois la séduction, la fermeté, la dissuasion et surtout l’audace, elle transcendait les partis. Papa Yaya (Gérard Lauriette, l’ex maire de Capesterre B-Eau) ne disait-il pas d’elle, en 1983 qu’elle était le seul « homme » au département ?

La vie politique, consistant souvent à donner plus de coups qu’on ne reçoit, est loin d’être un dîner de gala. Et LMC n’a pas été économe en la matière.

Au terme d’une vie politique si tumultueuse, il faut maintenant laisser le soin aux historiens de replacer Lucette MICHAUX-CHEVRY, et son influence dans la vie et l’histoire politique de son pays. Nonobstant, il y va de soi qu’une telle longévité politique ne peut échapper comme tous ceux exerçant de lourdes complexes et épineuses responsabilité, à une part d’ombre et une part de lumière.

Et ce d’autant, que la vie politique ne se résume pas seulement aux mandats électoraux. Il y a la vision politique, les alliances, les partis, les compromis et les compromissions. Quoiqu’on entende aujourd’hui, il n’a jamais été question pour Lucette MICHAUX-CHEVRY de se mettre au service des autres, de la Guadeloupe ou de la France. Elle avait sa personnalité, une grande capacité de travail, son énergie. Son acharnement à réussir devait lui permettre de tutoyer ceux qui font les destins. Sa participation à l’association des pays de la Caraïbe (avec l’aide de son mentor J. Chirac), en fit l’équivalent d’un chef d’Etat, lorsqu’elle rencontra Fidel CASTRO et Hugo CHAVEZ. Son rang prestigieux de n° 3 du RPR, son ministère à l’action humanitaire, où elle représentait la France à l’étranger, ou même sa volonté de devenir présidente de la collectivité de Guadeloupe, tout cela illustre bien le moteur de vie. Compter en politique. Laisser une marque dans l’histoire.

Son parcours à l’instar de nos immenses champions internationaux, a positivement fait connaître et reconnaître la Guadeloupe. Et ce n’était pas facile, tant s’en faut, dans un monde où les femmes tant dans l’Hexagone (où elle a dû distribuer quelques gifles), que chez nous, n’étaient pas reconnues pour être au premier plan.

Distinguons la réussite incontestable d’une carrière et son héritage. On peut regretter que le bilan tant sur le plan économique, qu’en termes de développement et de projection de la Guadeloupe dans la modernité et l’excellence ne soit pas à la hauteur de l’influence et de son poids en termes de leadership dans notre archipel.

Tant à la tête de la ville de Basse-Terre qui n’a eu de cesse de décliner durant ces 25 ans d’édilité qu’à la présidence de la Région où son bilan au terme de deux mandatures ne tient pas la comparaison avec son prédécesseur Félix PROTO qui n’a disposé, lui, que d’un seul mandat, ou encore les comptes catastrophiques de la communauté du Sud Basse-Terre, ses résultats sont très en deçà des espoirs mis elle ?

Sur le plan politique, son bilan fait de divisions, de scissions et de brouilles est au final désastreux lorsque l’on voit ce qui reste de la droite Guadeloupéenne qui l’a pourtant porté au pinacle.

Enfin, celle qui s’est fait une réputation de spécialiste de gestion publique a pourtant vu son image entachée par une multitude d’affaires à la fin de sa carrière.

Il est sûr que le caractère bien trempé de Lucette MICHAUX-CHEVRY de la « chabine », son parler de feu, son goût du populisme, en a fait un personnage qui laissera des traces dans la vie publique et l’histoire politique de la Guadeloupe. Mais l’histoire on le sait retient, plus durablement, dans la mémoire collective, ceux et celles qui ont donné une vision, laissé des œuvres et des armes pour l’après, pour construire un pays et faire peuple.

Rodes Jean-Claude.

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