LE BILLET

TERRE DE VIOLENCE ?

Le pays m’affole et j’ai mal à mon pays. Car le pays entre enchantement et le
tragique, nous échappe. La Guadeloupe est trop souvent enfermée dans des images.
Certes, certaines sont idylliques, d’autres sinistres. Et même insoutenables. Mais l’une de
ces images est que nous vivrions sur une terre de violence.
Ce n’est pas sans raison
Ce n’est pas sans raison car chez nous les taux de criminalité sont parmi les plus élevés
de France. Chez nous les violences intra-familiales sont fréquentes, se transmettant d’une
génération à l’autre. Incestes, viols, maltraitance se perpétuent dans le secret des familles.
Le harcèlement prospère sur les réseaux sociaux comme dans les étages des administrations ou
des entreprises. Les médias regorgent de faits divers tandis que nos prisons débordent
d’asociaux. Cela fait peur. Cela panique.
Certains de ces faits divers renforcent d’autres images qui n’ont pas besoin de cela.
L’actualité nous en fournit régulièrement l’occasion en raison de l’émotion
suscitée par de terribles drames humains. Et nous laisse sans voix ! Ça fait mal.
Troubles schizophréniques !
Mais une personne présentant des troubles schizophréniques en rupture de soins
qui commet un double crime, et voilà le mythe du schizophrène violent voire
« tueur » qui reprend de la vigueur.
Pourtant la majorité des personnes atteinte de schizophrénie ne sont pas violentes. En
réalité les études scientifiques montrent qu’elles sont beaucoup plus victimes de
violence qu’auteurs d’actes violents. Les risques de comportements violents chez les
malades mentaux sont connus et ont fait l’objet d’études et de publications, et
devraient déclencher la vigilance.
Ce sont principalement pour le patient : la rupture des soins, la rupture et
l’isolement social, la consommation de toxiques, des antécédents de violence. Mais
aussi des facteurs de contexte, d’environnement, de situation, qui n’empêchent
pas le passage à l’acte.
La violence n’est pas une caractéristique des malades mentaux, mais le résultat de
situations. Si l’on reprend les facteurs de risques, chacun pose des questions qui
interrogent au-delà du malade.
Rupture de soins dites – vous ?
Mais quelle est la part de l’insuffisance des structures de soins ? Quelle est la part
d’un défaut d’alliance thérapeutique assurant l’acceptation des soins et leur
continuité ? Rupture et isolement social ? Mais quelle est la responsabilité de la
société qui stigmatise ces personnes, les met à l’écart, voire les discrimine ?

Quel soutien réel apporte-ton aux familles et aux proches des patients. Mais quelle
est la part de ceux qui prospèrent directement ou indirectement grâce à cette économie
souterraine, sollicitent et encouragent les consommations  toxiques des dépendances.
Je m’y refuse!
Il ne faut pas accepter les images d’une terre de violence ni de schizophrènes violents.
Sans dénier l’exception, mais en l’analysant et en cherchant explications et solutions,
nous ne devons pas perpétuer l’image d’une fatalité alors qu’elle ne devrait être
qu’exception.
La violence est un risque qui menace toute société et que toute société doit
contenir. Tout acte violent signe un échec du lien social, ce lien qui n’est pas
aliénation mais un réseau de reliances, et qui fait que l’émotion peut être retenue, la
colère limitée, la haine refoulée.
Le lien social.
Seule la solidité des liens sociaux peut éviter le passage à l’acte ; des liens qui
dépendent de la place qui est reconnue à chacun ; des liens qui sont entretenus
par des médiateurs. Ce n’est pas le rôle que jouent les multiples spectateurs qui
hantent les réseaux sociaux, à l’affut des moindres confrontations pour leur faire le
maximum de publicité.
Ce n’est pas non plus le rôle de ceux des épidermes des légitimités, qui cultivent les
clivages et les ressentiments, alimentés par la référence à des passés douloureux, pour
les instrumentaliser. Halte au populisme ! Pour beaucoup de professionnels de santé,
et avec raison, ce n’est pas le rôle des médias qui se contentent de passer d’un fait
divers à l’autre en surfant à la surface des images.
Dois – je conclure ?
Il n’y a pas de malédiction et de fatalité programmée.
Nous appelons au sursaut ! A la résilience . Essayons plutôt de faire de notre
Guadeloupe une terre de reliance et de solidarité, et où chacun prend soin de
l’autre, quelle que soit sa santé, son handicap, son genre ou sa couleur.
Et Quelle que soit sa différence. Une terre qui refuse toute forme de violence dans son
quotidien, en actes comme en paroles.

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