SEMSAMAR : réalités de la reconstruction à Saint-Martin.

La SEMSAMAR a assisté – par l’intermédiaire des médias ! – à la dernière visite du Président de la République Emmanuel Macron à Saint-Martin. En effet, aucun collaborateur en charge de la reconstruction du parc immobilier de la société d’économie mixte n’a été invité à  rencontrer l’équipe présidentielle.

 

Principal bailleur social de Saint-Martin où elle assure un logement  à 1 085 familles, la SEMSAMAR s’est vue accusée, progressivement, au cours de la visite que le Président de la République a consacré à Quartier d’Orléans, notamment, d’irresponsabilité et de pratiques illégales. Or, les services de l’Etat qui accompagnaient le Président ont été régulièrement et parfaitement informés de l’évolution des étapes, des travaux et des financements.

1. Aide de l’Etat  aux bailleurs sociaux

Tout d’abord, le Président de la République a indiqué que « L’Etat a débloqué un crédit de 6 millions d’euros à la disposition des bailleurs sociaux à condition que ces bailleurs ne versent pas de dividendes à leurs actionnaires pendant trois ans. Je constate que ces crédits n’ont pas été versés faute de l’accord d’un des bailleurs dont nous avons visité hier un des logements », à savoir la SEMSAMAR.

Il est sans doute important de préciser que c’est à la demande de la SEMSAMAR que l’Etat a débloqué un crédit de 6 millions d’euros pour les bailleurs sociaux en provenance du Fonds d’urgence en faveur du logement. Cette demande a été effectuée par la SEMSAMAR, au lendemain du passage du Cyclone IRMA. Elle a nécessité la mobilisation des autres bailleurs sociaux. Elle a été soutenue par les parlementaires d’Outre-Mer. Les crédits débloqués par l’Etat pour la réhabilitation des logements sociaux, figurent dans les aides accordées à la Collectivité de Saint-Martin. Le préfet de la Reconstruction de Saint-Martin a clairement annoncé qu’aucune somme ne pourrait être directement versée aux bailleurs sociaux. Selon les textes, « les décisions relatives à l’utilisation et à la gestion du Fonds d’urgence sont arrêtées conjointement par le ministre chargé du logement et le ministre chargé du budget ». La SEMSAMAR a été avertie par la presse de la publication de cette décision. Elle a également été informée de la rédaction d’une convention devant être signée par la Collectivité de Saint-Martin et le Préfet de la Guadeloupe, sur la mise en place de l’aide accordée.

Elle n’a pas, et n’a jamais eu, à donner un accord. Elle ne peut concrètement s’opposer au versement d’une aide pour laquelle elle s’est battue afin de mettre en œuvre la réhabilitation de ses logements sociaux. La distribution des dividendes à laquelle est conditionnée le versement de l’aide de l’Etat, reste la décision des actionnaires des différents bailleurs sociaux. Les propos du Président de la République démontrent donc qu’il n’a pas été informé correctement par les services de l’Etat des blocages de ce dossier. Cette situation, comme le dit le Président, est en effet inacceptable.

2. Fin de l’héritage du passé et nouvelle gouvernance

La Direction de la SEMSAMAR n’a eu de cesse d’établir  ces dernières années, à travers les contrôles et procédures, qu’elle, aussi, avait héritée d’une situation passée. Elle a milité et organisé une transparence financière de ses activités et une présentation claire de ses objectifs (Plan stratégique de Patrimoine, Plan à Moyen Terme).  Elle conteste la procédure judiciaire engagée à son encontre depuis mai 2012, toujours en cours 6 ans plus tard et qui lui vaut une condamnation par bon nombre de fonctionnaires en charge des politiques publiques. Elle rappelle que l’un des fondements d’une démocratie est  une Justice indépendante. Dans un état de droit, les procédures judiciaires sont du ressort de la Justice et non du pouvoir politique.

La gouvernance de la SEMSAMAR s’est renforcée ses dernières années. Elle est articulée autour :

                de son Conseil d’administration qui se réunit régulièrement et qui formalise ses décisions à travers des comptes rendus écrits,

                de ses comités d’administrateurs (Comité Stratégique, Comité d’Engagement et des Risques, Comité des Rémunérations) dont les rôles d’appui sont indispensables.

La Banques des Territoires (CDC), la CEPAC participent activement aux différentes instances mises en œuvre.

Le système d’informations financières s’est adapté aux activités diverses et territoriales de la SEM et un contrôle de gestion a été mis en place. Un comité de pilotage associant la Directrice générale et l’ensemble des directions est opérationnel pour le suivi budgétaire des opérations.

Les décisions prises par le Conseil d’administration sont étayées de dossiers précis qui sont intégralement communiqués au contrôle des services de l’Etat, conformément aux textes en vigueur. Outre les audits annuels réguliers des commissaires aux comptes, de la Fédération des Entreprises Publiques Locales (EPL), des services centraux de la Caisse Des Consignations (CDC), elle a été soumise, ces six dernières années, aux contrôles de la Miilos, puis de l’ANCOLS, aux contrôles de la Chambre Territoriales des Comptes (CTC) et d’auditeurs externes visant à effectuer un état des lieux de son organisation.  

 

 

3. Délais des travaux de la  reconstruction et freins à lever

Le président s’est ému de l’état des logements qu’il a vu (hier) et considère qu’il faut donc « accélérer les travaux et répondre aux besoins de la population ».

Réparties sur 19 résidences implantées sur l’ensemble du territoire de Saint-Martin, le parc de logement social de la SEMSAMAR a été un de ceux qui a le mieux résisté à l’ouragan Irma.

A la date du 31 août 2018, la SEMSAMAR a déjà signé 675 marchés publics pour un montant global de 32,4 millions d’euros dans le cadre de ses opérations de réhabilitation améliorée.  Ces marchés ont été régulièrement attribués à travers des commissions d’appel d’offre auxquels participent les élus de la Collectivité de Saint-Martin.

La réhabilitation améliorée, décidée par la SEMSAMAR, prévoit non seulement d’effectuer le renouvellement intégral des composants dégradés et détruits mais également d’améliorer et mettre à niveau tous les composants impactés (et pas seulement dégradés). Le surcoût de la réhabilitation améliorée est de 12,1 M€.

La réhabilitation engagée par la SEMSAMAR se poursuit à un rythme normal pour une opération de cette envergure mais elle aurait pu être accélérée sans les freins suivants :

 

  Promesse présidentielle non tenue :  les travaux n’ont pu démarrer qu’en juin 2018, en grande partie à cause des procédures d’appels d’offres trop lourdes, malgré les promesses du Président de la République, pour faire face à l’urgence de la situation de certains locataires et à la préparation de la saison cyclonique.

Mobilisation de l’Etat insuffisante : malgré plusieurs présentations des dossiers techniques et financiers des travaux à mener, des alertes données sur les conditions de réalisation de cetteréhabilitation, des propositions de financement émises (fonds d’urgence au logement, défiscalisation), la SEMSAMAR est toujours en attente d’une mobilisation concrète des services de l’Etat.

 

         Effectifs insuffisants, en nombre, mais également en qualification, notamment en matière d’encadrement. L’hébergement des personnels venus de l’extérieur est difficile.

 

         Fourniture de matériaux insuffisante. Le besoin est énorme et les fournisseurs ont des difficultés à répondre à la demande en quantité et en délai, y compris à partir de la Guadeloupe.

 

         Difficulté d’approvisionnement. Le transport par voie maritime arrive à sa limite en terme de quantité ainsi qu’en terme de capacité de dépotage et de transport. La SEMSAMAR est en relation avec l’Établissement Portuaire de Saint-Martin pour mettre en place les pistes d’amélioration.

Entretien et maintenance du matériel. Les matériels sont extrêmement sollicités et leur disponibilité devient problématique.

Le Président a demandé à tous les bailleurs de réaliser les travaux d’ici le 31 décembre, ce qui est conforme à la planification de la phase 1 des travaux  organisés par la SEMSAMAR qui concerne les couvertures et menuiseries extérieures des logements. 

Il faut préciser que cette réhabilitation dépend de nombreuses contraintes, extérieures à la seule volonté de la SEMSAMAR. En effet, les travaux se déroulent en site occupé.

4. Prise en charge des loyers

S’agissant des loyers perçus par la SEMSAMAR, les conseillers du Président auraient pu lui rappeler que la loi énonce que tant qu’un locataire n’a pas résilié son bail, il est tenu de payer son loyer à son bailleur ; et qu’aucun assouplissement n’a été prévu sur ce point pour régler la situation de Saint-Martin.

Dès lors, la SEMSAMAR a pris des dispositions.

Au mois de septembre 2017, la SEMSAMAR a pris en charge, à son compte,  les loyers de ses locataires à Saint-Martin. Aucun locataire n’a payé de loyer.

A partir d’octobre 2017, cette prise en charge  des loyers a été adaptée en fonction du degré d’inhabitabilité des logements. En effet, consciente des difficultés rencontrées par certains locataires, la SEMSAMAR a procédé à une analyse personnalisée des difficultés rencontrées par les locataires. Un dispositif d’accompagnement a été mis en place  à leur attention dans cette période particulièrement difficile.

Cette prise en charge va jusqu’à  40 % de baisse des loyers selon les situations.

A Saint-Martin, comme ailleurs en France, les loyers sociaux sont encadrés par l’Etat. Les restes à payer par le locataire sont fonction de ses revenus et de l’aide au logement qui lui est accordé. A ce titre la SEMSAMAR  applique les textes comme tout bailleur social de France et subit comme ses collègues bailleurs sociaux en Hexagone les critiques du Président Emmanuel Macron envers la gestion du logement social.

5. Menace de privatisation du logement social en Outre-Mer ?

Depuis fin 2017, les bailleurs sociaux sont dans le viseur du  gouvernement qui a procédé à la baisse des aides au logement. Les bailleurs des Antilles-Guyane avaient, jusque là, semblé échapper à cette charge contre les bailleurs sociaux. Il semblerait ainsi que la SEMSAMAR soit le premier bailleur des Antilles-Guyane à subir à son tour le désamour du Président de la République.   Toutefois, la SEMSAMAR ignore le dessein véritable de l’entreprise de dénigrement des services de l’Etat ; à moins que cela ne s’inscrive dans leur stratégie de privatisation, à terme, du logement social qui viserait à s’étendre à l’Outre-Mer.

6. Pour un partenariat  confiant avec les services de l’Etat

Or, les services de l’Etat ne peuvent ignorer que la SEMSAMAR a d’abord assumé, sans l’aide de l’Etat, la phase d’urgence immédiate en septembre 2017.

En effet, après le passage de l’ouragan Irma, la SEMSAMAR est sortie de son rôle de bailleur social pour se transformer temporairement en ONG.  Elle a organisé un pont aérien et maritime, pour porter secours à la population, et notamment ses locataires et ceux des autres bailleurs de l’île.  La SEMSAMAR a géré ensuite, sans financement de l’Etat la phase de sécurisation de ses logements pour mettre à l’abri les familles en attendant les travaux définitifs.

En outre, afin de faire participer activement les jeunes Saint-Martinois à la reconstruction de leur île, la SEMSAMAR a inclus une clause d’insertion sociale dans les marchés liés à la réhabilitation de son parc. A ce titre, 54 500 heures (Valeur : 1,3 million d’euros) ont été réservées au travail en insertion.  Cela représente un potentiel de 300 emplois à terme à recruter.

Pour rappel, la vocation de la SEMSAMAR est :

D’intervenir sur des missions d’intérêt général (en particulier le logement social), de développement économique et d’aménagement.

§  D’être un outil opérationnel, force de proposition et d’action au service des collectivités locales des Antilles-Guyane.

La SEMSAMAR, ayant compris que le Président n’a pas été suffisamment informé de la réalité de la reconstruction dont elle a la responsabilité à Saint-Martin, est ouverte à une discussion avec le Président de la République afin d’entreprendre un partenariat confiant avec ses services.

 

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