Légitimité des élus

Depuis quelque temps, dans la presse écrite comme sur les ondes et dans la rue, la notion de légitimité semble plus ou moins se confondre ou se substituer à celle de légalité. Ce glissement sémantique n’est pas anodin et il est dangereux dans une démocratie reposant sur le principe de légalité.

 S’il est souhaitable que ce qui est légal soi légitime (on aurait dit dans le passé « moral »), ce qui est perçu comme légitime peut être condamnable pénalement ou civilement. Chacun peut comprendre qu’un père dont l’enfant a été assassiné, violé ou agressé ressent une douleur vive qui peut susciter chez lui un désir légitime de vengeance ; pour autant, s’il agresse l’auteur réel ou supposé des faits, s’il commet un homicide ou des violences, il se rend coupable à son tour de crime ou délit réprimés par le code pénal qui ne prévoit qu’une exception, celle de la légitime défense. La vendetta est prohibée.

L’actualité concernant le vote de la loi sur la réforme du régime des retraites pose la même question sous un autre angle. Pour certains très  nombreux à vrai dire, le gouvernement ne serait pas légitime à imposer une réforme pourtant votée dans le respect des règles prévues par la Constitution en vigueur  dès lors que le Président de la République, dans le contexte et les conditions de sa réélection, n’aurait pas la légitimité pour l’imposer. Si un tel point de vue peut s’entendre politiquement, juridiquement, il est dépourvu de fondement. Seul le Conseil Constitutionnel saisi du texte dira si la loi est conforme à la Constitution.

C’est d’ailleurs un jeu risqué en démocratie de contester la légitimité des candidats légalement élues. Les députés qui s’y prêtent pourraient bien  s’exposer à être interrogés à leur tour sur leur propre légitimité.

La motion de censure présentée par le groupe LIOT a été votée par 278 députés. La majorité requise étant de 287, il a manqué 9 voix pour qu’elle soit adoptée. C’est peu mais ce faible écart ne fait pas d’un rejet une adoption. Les députés d’Outremer ont été proportionnellement davantage enclins à la voter que ceux de l’Hexagone : 22 sur 27 l’ont fait et parmi eux, les 4 députés de la Guadeloupe. Mais un seul de ces 27 députés, Christian Baptiste, député de la 2ème circonscription de la Guadeloupe,  a voté aussi la motion de censure présentée par le RN, et qui n’a recueilli que 94 voix. Ce député était dans son droit  mais au petit jeu du questionnement de  la légitimité, il pourrait perdre. L’avenir le dira.

   Si la légitimité des députés de la Guadeloupe devait être examinée au regard des voix qui se sont portés sur eux au 2ème tour des  élections de juin 2022, ils pourraient eux aussi se faire du  souci.  Dans la 1ère circonscription, Olivier Serva a recueilli les voix de  seulement 20,57% des électeurs inscrits  et il est le mieux élu des 4 ! ; dans la 2ème, Christian Baptiste 17, 64% ; dans la 3ème, Max Mathiasin, 14,70% ;  dans la 4éme, Elie Califer 15,58%.  Des scores aussi faibles confèrent-ils une grande légitimité ?

Mais heureusement pour eux, seule compte la légalité de l’élection et celle-ci obéit à la seule règle de la majorité. Ainsi en va-t-il dans notre République.

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