Les dentistes en Guadeloupe en chiffres :

2ème article de la série consacrée aux professionnels de santé

En 1975, pour une population de 320000 habitants, la Guadeloupe disposait de 46 chirurgiens-dentistes (CD) dont 45 en exercice libéral ; il n’y en avait aucun dans 80% des communes.

La population des «dépendances » avait intérêt à avoir de bonnes dents… Aucun CD n’était en effet installé  dans les îles du Nord, aux Saintes ni à la Désirade. Marie-Galante faisait, toutes proportions gardées, figure de privilégiée avec 1 CD à Grand-Bourg.

       En « Guadeloupe continentale », la situation n’était pas fondamentalement différente à 2 exceptions près. Sur les 44 CD de ce territoire, 10 étaient installés à Basse-Terre et 27 à Pointe-à- Pitre. Les 7 autres se trouvaient à Morne-à-l’Eau (1), à Moule (3), à Saint-Anne (1), à Capesterre-Belle-Eau (2). Au total, 20 des 26 communes de « la Guadeloupe continentale » n’avaient aucun CD.

 La densité de CD était en 1975 pour tout l’archipel  de 14.

     En 2006,  pour une population de 400000 habitants, l’archipel comptait 163 CD dont 157 en activité libérale, soit une densité de 39. La Martinique était dans une situation similaire tandis que la Guyane était loin derrière avec une densité de 20. La Guadeloupe restait, en dépit d’une forte croissance des effectifs, dans une situation  très défavorable ; avec une densité de plus de 50% inférieure à la moyenne nationale (65), elle faisait partie avec la Basse Normandie (41), la Picardie (40) et la Haute Normandie(39) des régions les moins bien pourvues. La 1ere place du classement revenait à PACA (89) et la 2ème à la Corse (82).

    En 2016, le nombre de CD s’élevait  en Guadeloupe (hors les de îles du Nord devenues COM) à 175 dont 170 en exercice libéral soit une densité de 43. Si l’écart avec la France métropolitaine dont la densité de praticiens libéraux était de 53 (et la densité totale de 62) s’est ainsi fortement réduit, la région Guadeloupe demeurait en queue de peloton puisqu’elle occupait la 5ème plus mauvaise place dans le classement national, juste devant la Guyane, la Normandie, le Centre-Val de Loire et les Hauts de France. Les 2 régions en tête de classement  demeuraient PACA et la Corse.

La répartition des CD libéraux restait très inégalitaire ainsi que le montre la différence de densité selon les territoires : 78 pour la communauté d’agglomération de Cap Excellence, 41 pour la Riviera du Levant, 32 pour Grand Sud Caraïbe, 29 pour Nord-Grande-Terre, 20 pour Nord-Basse-Terre et 18 pour Marie-Galante. Il y avait  encore 9 communes sans CD.

En 2018, la densité de CD est de 46 (+3 points en 2 ans). La comparaison de la Guadeloupe avec les autres régions est néanmoins encore moins favorable qu’en 2016 : seules la Normandie (41), le Centre-Val de Loire (44) et la Guyane (29) sont derrière elle. La Martinique et la Réunion sont en meilleure posture avec des densités respectives de 53 et 58. Quant au classement de tête des régions, PACA reste en pole position avec une densité de 88, suivie de l’Occitanie (75),  de la Corse (74) et de l’Ile-de-France (73). Les densités moyennes régionales masquent cependant des situations très contrastées. Une comparaison entre départements donne une vision plus réaliste de l’accessibilité des soins dentaires pour la population. Elle met aussi mieux en évidence les différences entre les grandes villes et les départements plus ruraux. Elle permet enfin de relativiser la position de la Guadeloupe : très mal classée au niveau régional, elle est mieux dotée que de nombreux départements métropolitains. La Guadeloupe a la même densité de CD que le Pas-de-Calais, le Loir-et-Cher et la Vienne. Derrière eux, 10 ont une densité  comprise entre 40 et 44 (la Seine-et-Marne, la Seine-Maritime, l’Aisne, l’Oise, le Loiret, la Sarthe, les Deux-Sèvres, la Haute-Marne, la Haute-Saône et l’Eure-et-Loir). Plus bas encore dans le classement, 8 départements ont une densité de 33 à 39 (la Mayenne, l’Orne, l’Indre, la Creuse, la Manche, l’Yonne, l’Eure  et la Somme). Enfin, en queue de peloton se trouvent la Guyane (29) et Mayotte (6). Ainsi, 23 départements dont 21 de métropole, ont une offre de chirurgiens-dentistes égale ou inférieure à la Guadeloupe en 2018. Mais au sein des DOM, la Guadeloupe est en moins bonne position que la Réunion (59) et la Martinique (53).  

Comparaison n’est pas raison …mais guide la réflexion et, à cet égard, plusieurs éléments sont à prendre en compte.

Les écarts de densité entre les départements vont de 141 (Paris) à 6 (Mayotte). Le principe d’égalité qui est inscrit dans la devise de la République s’accommode mal de cette situation.

Les nouveaux diplômés s’installent très majoritairement dans le département et même dans ou à proximité de la ville où ils ont effectué leurs études. Les 16 départements ayant une faculté d’odontologie sont ceux qui ont la plus forte densité de CD. La densité est inférieure de 13 points à la moyenne nationale (62, tous modes d’exercice confondus) dans les  départements qui n’ont pas de faculté d’odontologie et ne sont pas limitrophes d’un département en ayant une.

Si le numerus clausus (NC) fixé à 2000 à sa création en 1971 a été ramené autour de 800 entre 1985 et 1995, il est ensuite remonté progressivement pour atteindre 1320 en 2019. Les Universités se substituant à l’Etat à compter de 2020 pour fixer les capacités d’accueil, l’avenir dira si cette mesure permet, mieux ou moins bien de former un nombre de CD suffisant pour répondre aux besoins de la population sur tout le territoire national et pas seulement dans les villes universitaires. Pourvu que le  remède ne s’avère pas pire que le mal…

Le NC n’était plus, en tout état de cause, un indicateur pertinent du nombre de futurs professionnels depuis que la formation à l’étranger s’est développée. En 2015, 1/3 des nouveaux CD avaient obtenu leu diplôme à l’étranger.

Le ministère chargé de la santé a pris des mesures pour encourager les praticiens à s’installer dans les zones les plus défavorisées. Un classement des territoires en 5 catégories : très sous dotées, sous dotées, intermédiaires, très dotées et sur-dotées a été institué en 2014. Des aides financières à l’installation des CD dans les zones « très sous-dotées » sont prévues et ont été majorées en 2019. A l’inverse, des mesures de limitation du conventionnement avec l’assurance-maladie s’appliquent dans les zones « sur-dotées ». Il est trop tôt pour voir si la carotte et le bâton que constitue ce double dispositif  modifie les tendances comportementales des nouveaux CD.

A cet égard, le lieu de l’installation des jeunes CD ne paraît pas tant lié à des considérations de type économique qu’à un choix de vie familiale lié en partie à la féminisation de la profession. En s’installant dans les villes bien ou sur dotées, ils n’auront pas droit à des aides financières mais, d’une part, tous n’en ont pas besoin, d’autre part, ils peuvent plus facilement qu’ailleurs s’adresser à une clientèle aisée qui peut bénéficier de soins novateurs que l’assurance maladie ne prend pas en charge.

Wait and see. Mais si un équilibre n’est pas trouvé entre l’offre et les besoins, la question du maintien de la liberté d’installation devra être tranchée.  

 Danièle DEVILLERS

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